Ne manquez pas Inspire 2024, qui aura lieu du 13 au 16 mai 2024 au Venetian de Las Vegas. Inscrivez-vous !

 

Les décisions métier, une véritable partie de poker, par Annie DukeCert

Nouveautés   |   Stephen Archut   |   16 nov. 2022

Même les décisions les plus réfléchies n'aboutissent pas systématiquement à des résultats favorables. Il y a toujours des informations cachées, une certaine part de chance. Les affaires et le poker ont cela en commun, et c'est la raison pour laquelle l'ancienne joueuse professionnelle Annie Duke est spécialiste en prise de décision. Celle qui s'est imposée parmi les meilleurs de sa discipline pendant deux décennies a écrit de nombreux guides pour les joueurs, ainsi que deux livres expliquant comment prendre des décisions en l'absence de toutes les informations. Annie Duke a récemment rencontré Jawwad Rasheed, Senior Principal, service des finances chez Alteryx, pour parler des enseignements et des stratégies qu'elle a puisés dans ses études en psychologie cognitive et son expérience à la table de poker.

L'analytique des données au service de la prise de décisions dans l'incertitude

Dans une partie de poker professionnelle, une main dure environ deux minutes. Pendant ce temps, chaque joueur prend plus de 20 décisions, en évaluant en permanence des facteurs qui varient sans cesse, comme la fréquence à laquelle l'adversaire choisit de se coucher ou de bluffer, ou encore la probabilité d'apparition de certaines cartes.

Pour faire simple : les joueurs cherchent constamment à prendre des décisions optimales avec des informations incomplètes. « Que l'on soit amateur ou pro, si l'on décide de relancer, on établit une prévision ou une estimation de tous les résultats possibles en choisissant d'opter pour cette voie plutôt qu'une autre », explique Annie Duke.

« La différence entre un amateur et un professionnel, c'est que la démarche est explicite pour le professionnel. En fait, le pro décompose chaque élément constitutif de la décision, puis réfléchit de façon aussi objective et explicite que possible aux données qu'il pourrait ajouter à sa modélisation de l'adversaire. »

Annie Duke précise qu'il en va de même pour l'analytique des données et les décisions métier. Les décideurs peuvent utiliser l'analytique des données pour décomposer leurs choix en fonction des variables associées, comprendre la valeur de base de ces variables ou leur fréquence dans des circonstances normales et analyser les effets de ces différents facteurs sur les résultats. Avec ces informations, ils peuvent prendre des décisions éclairées tout en s'affranchissant de leurs biais cognitifs.

Le problème de « l'attachement au résultat »

L'attachement au résultat désigne la tendance à juger une décision en fonction de son aboutissement. En tant qu'individus, nous émettons un jugement biaisé lorsque nous évaluons la qualité d'un choix en nous basant sur ce qui s'est passé, sans tenir compte des données qui ont influencé la prise de décision ou du poids accordé aux variables inconnues.

« Lorsque l'on fait des choix dans l'incertitude, c'est-à-dire avec une grande part d'informations manquantes, la chance peut interférer dans l'issue de la décision », poursuit Annie Duke. « Quand on réfléchit à la relation entre la qualité de la décision et celle du résultat, il y a quatre possibilités, que l'on peut représenter dans un tableau à deux lignes et deux colonnes.

« On peut prendre une bonne décision et obtenir un résultat favorable. On peut prendre une bonne décision et obtenir un résultat défavorable, certainement par manque de chance, et on peut prendre une mauvaise décision et obtenir un résultat favorable, peut-être parce que la chance était de notre côté. Il arrive aussi que l'on prenne une mauvaise décision aboutissant à un résultat défavorable. » Annie Duke explique que chacun de ces cas est vrai lorsque l'attachement au résultat est un problème.

 Bonne décision  Mauvaise décision
 Manque de chance Chance  Résultat favorable
 Résultat défavorable  Malchance  Manque de chance

« Nous pouvons donc réfléchir aux problématiques que cela peut poser. Imaginons que vous preniez une très mauvaise décision qui va jouer contre vous. Un jour, j'ai fait un gros bluff parce que j'étais sûre que mon adversaire allait se coucher, mais il a relancé et j'ai quand même gagné la main. S'attacher au résultat reviendrait à faire l'erreur de dire qu'on a bien joué puisqu'on a gagné. …

C'est ce que nous faisons tout le temps. Par exemple, quand un joueur tente une transformation à deux points au lieu de tirer un field goal au football américain. S'il rate, on se dit que l'entraîneur est un idiot. S'il réussit, ce sont tous deux des génies. »

Annie Duke explique que la même chose se produit lorsque l'on ne parvient pas à atteindre des objectifs métier ou que nos initiatives stratégiques se soldent par un échec. « Le fait est qu'un choix tout à fait raisonnable peut entraîner un résultat défavorable, mais nous n'analysons pas la situation sous cet angle, et c'est tout le problème de l'attachement au résultat. »

La rétrospective prospective pour dépasser l'attachement au résultat

L'attachement au résultat est un biais difficile à dépasser, surtout lorsque le résultat est le seul indice permettant d'évaluer nos décisions. Heureusement, Annie Duke propose une solution à cela.

« L'un des meilleurs outils [pour surmonter l'attachement au résultat] est la rétrospective prospective, pour laquelle il existe deux techniques différentes », indique Annie Duke. « La première est appelée “rétroprévision” et consiste à imaginer que les choses se sont bien passées, puis à identifier tous les événements qui se sont produits pour en arriver là, ainsi que les premiers signes indiquant que l'issue serait favorable. L'autre technique, l'analyse prémortem, est plus efficace. Elle vise à imaginer l'échec, puis à réfléchir à tout ce qui s'est passé pour aboutir à ce résultat.

Qu'avons-nous mal fait ? Quels ont été les signes annonciateurs d'un échec potentiel ? Si les analyses prémortem sont plus utiles, c'est parce que nous sommes naturellement trop optimistes. Nous surestimons les chances d'arriver à un résultat favorable. Lors d'une rétroprévision, nous avons tendance à accentuer ce biais spécifique et à être encore plus optimistes en imaginant de bons résultats. »

Balises